Terrils
Supports de la mémoire, les terrils témoignent de l’ampleur des efforts menés par les hommes et les femmes, au fond de la mine comme à l’air libre, et sont les seules traces visibles de la ressource arrachée en sous-sol. Telle une chaîne montagneuse, les terrils ont créé de nouvelles lignes d’horizon dans le Nord-Pas de Calais. Le Bassin minier a compté jusqu’à 350 dépôts de schistes officiellement recensés : il en reste actuellement environ 200.
Au 18e siècle et dans la première moitié du 19e siècle, les résidus miniers (ou stériles) dont la teneur en charbon est quasi nulle (schistes, grès…) sont soigneusement laissées dans les galeries. Les premiers terrils apparaissent dans les années 1850, en raison de nouveaux moyens techniques. Les matériaux étaient déposés par les ouvrières à proximité de la fosse d’abord au moyen de paniers, puis par un système de rails et de wagonnets tractés par le cheval. De ces premiers terrils plats, il ne reste que des traces tenues.
De la fin du 19e siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les techniques de mise à terril évoluent parallèlement aux techniques d’extraction. La contenance grandissante des berlines accroît considérablement le volume des résidus à stocker en surface. Apparaissent alors les premiers terrils de forme conique, à l’exemple du terril de la Bleuse Borne à Anzin. Leur édification, mécanisée, se fait par rampes ou par voie aérienne à l’aide de téléphériques !
Dans un contexte de modernisation, liée à la Nationalisation de 1944, apparaissent les grands terrils modernes à proximité de sièges concentrant la production de plusieurs puits comme sur le site du 11/19 à Loos-en-Gohelle. Des terrils monumentaux émergents sont de deux formes : coniques et à plateaux. Les terrils coniques modernes sont toujours édifiés par rampes mais selon des systèmes plus perfectionnés, par skips ou encore par couloirs métalliques mobiles, déplacés au fur et à mesure de leurs édifications, à l’exemple des terrils jumeaux de la fosse 11-19 à Loos-en-Gohelle. En zones humides, sur des terrains meubles, l’édification en plateaux permet de répartir la charge que supposent ces montagnes artificielles. Ces terrils à plateaux, de dimension impressionnante et tout en longueur, sont construits par convoyeur à bandes (tapis roulant) ou par wagons-bennes comme pour le terril 144 de Pecquencourt-Rieulay.
Des débuts de l’activité charbonnière à nos jours, la perception des terrils a beaucoup évolué. Pendant toute la durée de l’exploitation, les terrils étaient considérés comme des décharges sans intérêt. Dans les années 1970, ils font l’objet d’un premier inventaire en prenant en compte leur valeur marchande et leurs potentialités en termes de récupération des sous-produits : particules charbonneuses et schistes. Dès les années 1990, des scientifiques (naturalistes et géologues) et le CPIE Chaîne des terrils ont révélé l’intérêt écologique et historique de ces sites façonnés par l’Homme. Ainsi, en 1992, l’Etat, les sociétés exploitants les terrils et l’association Chaîne des terrils ont signés une charte définissant les conditions de préservation, d’aménagement et d’exploitation des terrils. C’est ainsi qu’aujourd’hui, une très grande majorité d’entre eux a pour vocation de demeurer durablement dans le paysage. Terre d’accueil pour une végétation pionnière et spontanée, les terrils sont de véritables écosystèmes. Refuges exceptionnels pour une flore et une faune sauvages, leur chaleur, et leur composition sont propices au développement d’espèces, souvent inconnues de la région. Ainsi, le terril de Pinchonvalles à Avion compte plus de deux cents espèces végétales, abritant oiseaux et batraciens. Certains de ces terrils sont ouverts au public, offrant des espaces de détentes et de loisirs et parfois des belvédères sur le bassin minier.
Les terrils sont aujourd’hui distingués en fonction de leurs formes, de leur histoire et de leurs caractéristiques propres :
- Le terril monumental, souvent issu des efforts de concentration, est un terril dont la surface et le volume suscitent un sentiment de gigantisme : le terril 14 à Auchel.
- Le terril signal est un terril dont l’impact visuel peut se mesurer à plus de 15km. Il est en général conique : le terril 93 à Harnes.
- Le terril mémoire est lié à un évènement historique de type catastrophe ou à un fait populaire. Cette catégorie relève d’une dimension immatérielle : le terril Renard à Denain. Il est issu de la fosse Renard qu’Emile Zola a visitée dans le cadre de ses travaux préparatoires pour la rédaction de Germinal.
- Le terril nature revêt un aspect d’espace naturel doté de boisements, de strates herbacées ou buissonnantes, apparus spontanément ou plantés : le terril 175 à Raismes.
- Le terril loisirs est un terril dont les matériaux ont servi de support à la création d’une base de loisirs, d’un parc urbain à vocation ludique ou d’un espace vert de proximité.