Compagnies minières
De 1720 à 1944, date de l’ordonnance de Nationalisation, de nombreuses Compagnies minières se sont partagé une ressource et un territoire, divisant celui-ci en plusieurs bassins d’exploitation. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, 18 compagnies sont en activité.
Les concessions correspondent à des territoires délimités et attribués au 18ème siècle par ordonnance royale faisant acte d’une exploitation souterraine à une société privée pour l’extraction charbonnière du périmètre défini.Par la suite, elles sont attribuées en Conseil d’Etat. Une concession est exploitée par une compagnie minière, le nom de la concession étant généralement identique à celui de la compagnie. Il faut noter que la date d’obtention de la concession ne correspond pas nécessairement à la date de fondation de la compagnie. Les concessions sont, de manière générale, concédées à des sociétés de sondage et de recherche qui doivent faire la preuve de leur viabilité et qui transforme leurs raisons sociales par la suite. Une compagnie peut exploiter plusieurs concessions (cas de la grande Compagnie d’Anzin). Par ailleurs, une compagnie peut posséder une concession qui ne porte pas le même nom (la Compagnie de Béthune exploite la concession de Grenay). Les compagnies se sont administrativement arrêtées avec la Nationalisation.
Du berceau de l’exploitation à la Nationalisation
Sur une superficie de 28 000 hectares, l’ensemble des concessions de la Compagnie des Mines d’Anzin correspond à la plus grande emprise spatiale sur tout le Bassin minier du Nord-Pas de Calais. Compagnie pionnière, berceau de l’exploitation charbonnière, n’ayant eu de cesse d’élargir ses champs de prospection et d’exploitation, elle s’est approprié ce territoire pendant deux siècles pour le transformer en profondeur. L’exploitation du charbon dans le bassin d’Anzin laisse aujourd’hui plusieurs aires patrimoniales qui correspondent à des époques et/ou des logiques différentes. Aux paysages naturels et ruraux sont ainsi venus se superposer les infrastructures de production et d’habitat. Première Compagnie à construire des logements miniers vers 1810, du côté de Valenciennes, 79 de ses cités sont encore présentes aujourd’hui sur le territoire (corons, cité pavillonnaire et cités-jardin). À noter que la Compagnie a généralement privilégié l’unique fonction résidentielle sans introduire d’équipements collectifs au sein des cités.
Une vitrine architecturale de l’habitat minier
Avec une superficie de 12 000 hectares, la Compagnie des Mines d’Aniche possède la seconde plus grande emprise spatiale du Bassin minier du Nord – Pas de Calais après la Compagnie d’Anzin. Longtemps balbutiante et très fortement soumise à la concurrence que lui livrait la Compagnie des Mines d’Anzin, la Compagnie des Mines d’Aniche ne connaît de réel essor qu’à partir des années 1840. Situé au Sud de la concession et prioritairement exploité aux 18e et 19e siècles, le premier axe d’exploitation Est-Ouest suit le gisement de charbon gras et de charbon à coke. Au Nord, avec un développement plus tardif au 20e siècle, le second axe, toujours orienté Est-Ouest, suit le gisement de charbon maigre et anthraciteux. Ces deux axes forment ainsi deux chapelets d’infrastructures de production et d’habitat parfaitement distincts, laissant entre les deux de vastes étendues agricoles ponctuées par de l’habitat traditionnel. Nulle part ailleurs dans le Bassin minier cette différenciation n’est aussi lisible.
La Compagnie des Mines d’Aniche se distingue également par la qualité et la grande variété architecturale, urbaine et paysagère de ses cités minières. Véritable vitrine à ciel ouvert, elle offre une riche démonstration des politiques d’ostentation adoptées dans l’entre-deux-guerres notamment. A cause du démantèlement des fosses et de la destruction des infrastructures, peu de vestiges techniques de l’exploitation subsistent, en dehors de la fosse Delloye à Lewarde. Cependant subsistent de nombreux terrils majoritairement issus de la Nationalisation ainsi que de multiples cités minières exceptionnelles ou remarquables.
La présence de la houille dans le secteur de Crespin est connue depuis 1728 mais il faut attendre les années 1830 pour qu’une compagnie s’y intéresse. La Compagnie des Mines de Crespin est fondée en 1836. Sa concession, obtenue la même année, s’étend sur 2832 hectares. En 1905, la famille de Wendel prend la direction de la Compagnie. Petite structure, celle-ci ne fonctionne avecune seule d’extraction jusqu’en 1923, date à laquelle la fosse n°2, équipée d’un lavoir et d’une batterie de fours à coke, est mise en fonction.
En janvier 1829, des investisseurs lillois associés au sein de la société de recherches Dumas découvrent en mai 1829 des veines de houille grasse dans les environs de Denain. La Société dépose une demande de concession, concurrente de celle d’Anzin, qu’elle obtient en 1832. Celle-ci s’étend sur 3 419 hectares. La compagnie Dumas va foncer 8 puits entre 1834 et 1871 qui vont permettre d’engranger des bénéfices non-négligeables. Dans les années 1870, le conseil de régie décide de transformer la société civile en société anonyme. En 1895, la transformation de la Compagnie Dumas en Compagnie de Douchy permet de lever de nouveaux fonds. La famille de Wendel va au fil des augmentations de capital prendre une part de plus importante dans la vie de l’entreprise. Avant la Première guerre mondiale, la production stagne autour des 300 000 tonnes. Dans les années 1930, à force d’investissements et de rationalisation, la production dépasse les 400 000 tonnes avant la crise. La crise de la fin de la décennie amène une réduction de la production.
Dans un contexte de prospection en plein développement à partir de 1837, la Société Houillère de Thivencelles, fondée en 1841, obtient trois concessions, la même année : Saint Aybert, Thivencelles et Escautpont, pour un total de 1546 hectares. Les débuts de la compagnie sont difficiles, confrontée à laconcurrence de la puissante Compagnie des Mines d’Anzin qui baisse ses prix pour étouffer la nouvelle compagnie. Malgré ces difficultés, l’entreprise se maintient et connaît son essor lors des années 1860. Sa fosse Soult assure déjà la rentabilité de l’entreprise depuis 1845. L’entrée en exploitation de la fosse St Pierre en 1861, permet le doublement de la production et des perspectives de croissance. A la veille de 1914, la production avoisine les 180 000 tonnes. Après la Première Guerre mondiale, la reconstitution des installations permet d’améliorer le matériel et les méthodes d’abattage : 230 000 tonnes avant la crise. La Société connaît un ralentissement de sa croissance lors des années 1930 mais sa rentabilité est assurée par sa concentration sur deux puits.
Entre Nord et Pas-de-Calais
Située à l’interface des départements du Nord et du Pas-de-Calais, sur une superficie de 4700 hectares, la Compagnie des Mines de l’Escarpelle constitue, par ses initiatives audacieuses et ses sondages fructueux, le déclencheur décisif de la découverte du charbon dans le Pas-de-Calais. En effet, ses entrepreneurs démontrent en 1847 le brusque changement de direction du gisement, non plus orienté du Nord-Est au Sud-Ouest mais du Sud-Est au Nord-Est. Confirmant la pénétration des veines de charbons dans le Pas-de-Calais, la Compagnie des Mines de l’Escarpelle revêt une portée historique et symbolique particulièrement importante. Toutefois, délimitée au niveau de l’étranglement du gisement (donc particulièrement tourmenté), la concession de l’Escarpelle connaît, durant toute sa période d’activité, une exploitation modeste en comparaison avec les grandes Compagnies de la région. Le paysage est de fait moins intensément marqué par les infrastructures minières de production et d’habitat (cependant varié) qu’ailleurs sur le territoire du Bassin minier.
Un patrimoine moderne
La concession d’Ostricourt, d’une superficie de 2300 hectares, est située sur la bordure septentrionale du Bassin minier du Nord – Pas de Calais, à l’endroit où le gisement est plus restreint et où il s’amenuise. La Compagnie des Mines d’Ostricourt y exploite uniquement un charbon anthraciteux et maigre. Sur toute la période d’exploitation, la production reste modeste en comparaison avec celle des riches concessions voisines. A partir des années 1890, les cités pavillonnaires apparaissent à proximité des fosses et n’ont de cesse de s’étendre entre Libercourt et Ostricourt dans la première moitié du 20e siècle.
Le paysage du secteur est principalement marqué par les infrastructures datant de la Nationalisation avec, notamment, le siège de concentration de la fosse n°2 du Groupe d’Oignies et la construction de nombreuses cités modernes.
Le fer de lance des cités-jardins
La Société des Mines de Dourges est à l’origine de la première découverte de charbon dans le Pas-de-Calais en 1842. Cependant, la découverte fut gardée secrète quelques années. La concession de la Société des Mines de Dourges, d’une superficie de 3800 hectares, est obtenue en 1852. La Société exploitedifférentes qualités de charbon avec au Nord, du charbon maigre et demi-gras et au Sud, du charbon gras à coke. Durant toute son activité, la Société des Mines de Dourges reste une société moyenne, en comparaison avec les Compagnies voisines de Courrières et de Lens, mais une société prospère. Cette bonne santé financière permet aux administrateurs d’expérimenter des innovations architecturales et paysagères. Ainsi, en véritables pionniers, ils introduisent des modèles de cités-jardins développés en Angleterre (cité Bruno bâtie en 1904). Il s’agit alors d’unerévolution dans l’habitat ouvrier du Bassin minier. De même l’architecte en chef des travaux de la Société, E. Delille, introduit le béton dans la construction des infrastructures de production. Ainsi, le soin architectural apporté par la Société des Mines de Dourges à ses infrastructures de production comme à ses cités la distingue assurément au sein des autres Compagnies du Bassin minier.
Une insolente prospérité
La concession de la Compagnie des Mines de Courrières, d’une superficie totale de 5 400 hectares, est obtenue en 1852. Dès la fin du 19e siècle, elle s’impose comme l’une des quatre plus puissantes Compagnies du Bassin minier, avec celles d’Anzin, de Lens et de Béthune. Son extraordinaire croissance s’accompagne de la création d’un intense réseau d’infrastructures de production et de résidence.
Cette prospérité est néanmoins douloureusement noircie par la Catastrophe des Mines de Courrières du 10 mars 1906 et ses 1099 victimes. Cette catastrophe, dont les villes de Billy-Montigny, Méricourt et Sallaumines portent encore la mémoire, souligne à quel point l’exploitation minière s’est très souvent réalisée au détriment de la sécurité et de la vie des hommes au fond. Constat qui se poursuit aujourd’hui dans le monde. Dévastée pendant la Première Guerre mondiale, la reconstruction dure jusqu’en 1924. Elle détrône la Société des Mines de Lens en 1925 et deviendra la première puissance minière française. Sa supériorité se maintiendra jusqu’en 1939.
L’impérialisme minier
La concession de la Société des Mines de Lens, une des plus puissantes Compagnie du Bassin minier, s’étend sur 6939 hectares sur des veines de charbons gras et charbon à coke. De 1852, date de sa fondation, à 1944, date de sa nationalisation, la Société des Mines de Lens a profondément et durablement transformé le territoire de sa concession. L’exploitation intensive de son sous-sol, rendue possible par des investissements financiers et techniques continus, est à l’origine d’un urbanisme et d’un paysage miniers d’une ampleur sans précédent. Dans les années 1930, alors au maximum de sa production, la Société des Mines de Lens exploite 33 fosses, possède 10 000 logements ouvriers et emploie plus de 17 000 hommes et femmes.
En 1857, la compagnie La Basséenne est fondée pour mener des sondages au nord des concessions déjà octroyées dans le Pas-de-Calais. La même année, elle découvre de la houille à Carvin, formule une demande en concession (qu’elle obtient en 1860) et prend le nom de Compagnie des Mines de Carvin. Celle-ci s’étend sur 1150 hectares. Entre 1857 et 1907,quatre puits sont foncés. La compagnie extrait entre 280 000 et 290 000 tonnes. La Première Guerre mondiale va dévaster l’intégralité des fosses de la compagnie qui reprend de manière très partielle sa production en 1920, et de manière complète dès 1925. Dès 1926, la compagnie concentre sa production sur les fosses 3 et 4. Cette option industrielle lui permet de maintenir ses profits jusque 1939.
La dynamique
Située en franges du gisement, cette concession, d’une superficie totale de 4145 hectares, a pour particularité d’avoir été exploitée sur seulement un quart de sa superficie. L’exploitation s’est concentrée au nord sur les villes deLiévin et d’Avion, là ou le gisement est plus riche et régulier. Bien que potentiellement moins puissante que les Compagnies voisines, la Société Houillère de Liévin a fait preuve d’un dynamisme continu durant toute sa période d’activité. C’est ainsi elle qui, en 1872, introduit pour la première dans le Bassin minier le principe du double puits, séparant la fonction d’extraction de celle de l’aérage. Véritable réussite industrielle, la Société Houillère de Liévin a durablement imprégné le territoire, notamment par le style architectural original de ses cités minières.
De la ruralité au gigantisme minier
La Compagnie des Mines de Béthune, l’une des plus puissantes du Bassin minier, exploite la concession de Grenay, sur une superficie de 6352 hectares. Elle a profondément marqué ce territoire, notamment au Sud, dans le prolongement du gisement de charbon gras et à coke dont l’exploitation est partagée avec la Compagnie de Courrières et les Sociétés de Lens et de Liévin.
Territoire de contrastes, ce secteur illustre la juxtaposition de deux mondes,agricole et minier, dans lequel les différentes strates de composition du paysage minier sont pleinement lisibles.
Vers 1880, la Compagnie possède déjà 1354 logements miniers et, dans les décennies qui suivent, elle n’a de cesse de construire des corons, des cités pavillonnaires, des cités-jardins, et d’exceptionnels équipements collectifsdonnant naissance à de gigantesques agrégats.
La mine à la campagne
La concession de Noeux s’étend sur une superficie de 7900 hectares. Le territoire se caractérise par une interaction permanente entre monde agricole et monde minier. Suivant logiquement la nature et les qualités du gisement en sous-sol, les sites d’extraction de la Compagnie des Mines de Vicoigne-Noeux-Drocourt se sont majoritairement concentrés sur les villes de Noeux-les-Mines et Barlin, créant un tissu urbain dense et riche. La Compagnie a majoritairement construit des cités de corons et des cités pavillonnaires, souvent agrémentées d’équipements collectifs.
La vallée minière
La concession de la Compagnie des Mines de Bruay s’étend sur une superficie de 4900 hectares. Elle se caractérise par une exploitation concentrée sur la ville de Bruay et quelques communes périphériques, et par une situation géographique particulière, au cœur de la vallée de la Lawe, ce qui contraste avec l’implantation en plaine des autres Compagnies. Exploitant un gisement exclusivement de charbon gras et de bonne qualité, la Compagnie des Mines de Bruay est une entreprise prospère par ailleurs relativement épargnée lors de la Première Guerre mondiale (zone non occupée). Son immense patrimoine n’en est que mieux préservé. Ses très nombreuses cités minières sont venues littéralement encercler le cœur historique de la ville de Bruay-la-Buissière.
La limite occidentale du Bassin minier
Le territoire de la concession de la Compagnie des Mines de Marles s’étend sur une superficie de 2900 hectares et marque la pointe occidentale du gisement pleinement exploitable. La Compagnie se caractérise par une exploitation concentrée sur Marles-les-Mines et ses communes périphériques, et par un paysage vallonné, celui de la vallée de la Clarence. La Compagnie a principalement construit des cités pavillonnaires, quelques cités de corons et une vaste cité-jardin, la cité du Rond-point (plus de 50 hectares).
Les confins de l’exploitation
La Compagnie des Mines de Ligny-Auchy a exploité les concessions de Ligny et d’Auchy, d’une superficie totale de 3400 hectares. Il s’agit d’une exploitation modeste en raison de la faiblesse du gisement de charbon présent en sous-sol. De ce fait, le territoire concerné à été très peu impacté par l’activité minière. Cependant, les vestiges actuellement perceptibles, notamment lesterrils (34, 31, 32, et 244) constituent des marqueurs paysagers incontournables en venant de l’Ouest.
Après un premier sondage fructueux à Divion, la Société de recherche de la Clarence formule une demande de concession qu’elle obtient en 1895. Elle prend le nom de Société des Mines de la Clarence. Les travaux d’établissement du premier puits commencent dès 1896 mais la fosse n’entre en production qu’en 1901. La première partie du gisement étant tourmentée, la Société approfondit son puits de manière importante : en 1908, elle atteint un gisement régulier. La croissance de la production se trouve compromise avant guerre par un accident de mine grave le 3 septembre 1912 (79 morts). En 1916, pour assurer un meilleur retour d’air, est foncée la fosse Salonique qui permet de limiter les coups de grisou. La crise de 1928, associée à des coûts d’extraction importants liés à la profondeur du puits (+ de 1000 mètres) met la Société en difficulté dans les années 1930.